Panorama des problèmes liés aux actes d’état civil comoriens

Une publication de Ha Yba Fm du Weekend dernier sur la mauvaise tenue des archives des déclarations de naissance à la maternité de l’hôpital El-Marouf, m’a décidé à apporter mon témoignage.

En effet, les actes d’état civil comoriens comportent, très souvent, des erreurs et des irrégularités. Lorsqu’ils sont produits à l’étranger, et notamment en France, leur authenticité est mise en doute.

La multiplication de tels actes depuis des décennies a jeté le discrédit sur les actes d’état civil comoriens en France.

Pour nous qui intervenons régulièrement dans le contentieux de la nationalité, nous constatons la détresse de milliers de familles comoriennes. Celles-ci voient leur qualité de françaises contestée ou rencontrent des difficultés de toute sorte pour faire reconnaître cette  qualité pour elles ou leurs enfants.

Loin de polémiquer, mon propos vise, à partir de ma longue expérience du contentieux de la nationalité, à exposer les principales difficultés que soulèvent en France les actes d’état civil comoriens.

A mon sens, il faut distinguer irrégularités liées à la méconnaissance du droit comorien, d’une part, et les erreurs systémiques qui sont la conséquence de la déliquescence de l’administration comorienne et du délabrement du service public national de l’état civil, d’autre part.

  1. Sur les irrégularités liées à la méconnaissance du droit comorien

Les actes d’état civil comoriens sont régis principalement par la loi N°84- 10 du 15 mai 1984 relative à l’état civil, la loi n°85-011/AF du 9 décembre 1985 (article unique) et par les règles du code de procédure civile dans le cas des jugements supplétifs et des procédures judiciaires liées aux actes d’état civil.

En ce qui concerne les irrégularités qui proviennent du non-respect des dispositions de la loi relative à l’état civil on peut citer, sans être exhaustif, les cas suivants :

  • Les imprimés des actes d’état civil sont fait de manière à ce que dans l’établissement de l’acte on indique dans cet ordre : le jour, le jour, l’année et l’heure du fait relaté alors que selon la loi, les actes d’état civil énoncent l’année, le mois, le jour et l’heure du calendrier grégorien et de l’Hégire des faits qui sont constatés (article 16 loi du 15/05/1984)
  • Les nouveaux imprimés comportent de numéro de série, mais les officiers d’état civil ne mentionnent plus les numéros des registres sur ces imprimés.
  • Les actes de naissances des personnes mariées ne portent pas en marge la mention de leur mariage contrairement à l’article 58 de la loi de 1984 relative à l’état civil.  
  • Les imprimés utilisés pour les jugements supplétifs ne sont pas conformes à la loi comme nous le verrons plus loin.

S’agissant de la violation des règles de procédure, cela touche principalement les jugements supplétifs et les ordonnances sur requête.

Concernant les jugements supplétifs, selon l’article 69 de la loi de 1984, le dossier doit être transmis au procureur de la république pour faire ses observations avant l’établissement du jugement supplétif. 

Les imprimés utilisés pour les jugements supplétifs ne portent aucune mention sur cette communication préalable du dossier au procureur de la République.

La mention «vu et communiqué au parquet de la République », postérieure à la date d’établissement du jugement supplétif, ne doit pas être confondue avec la communication ou transmission du dossier au procureur de la République.

Celle-ci est une condition préalable pour permettre au procureur de la République de formuler ses observations quant à l’établissement ou non du jugement supplétif sollicité. La mention de ces observations doit être indiquée dans le jugement supplétif.

Pour ce qui est des ordonnances sur requête, parfois le Tribunal rend des ordonnances qui ne mentionnent pas que le Procureur de la république a eu communication du dossier alors que c’est une formalité obligatoire en matière gracieuse.

  • Sur les erreurs et omissions liées aux dysfonctionnements de l’administration comorienne

Il est notoire que le service public national de l’état civil est sinistré avec un personnel souvent mal formé et incompétent et des archives mal entretenues et partiellement ou totalement détruites.

Les mauvaises conditions de conservation des registres de l’état civil rendent parfois impossible d’obtenir une copie d’un acte d’état civil. Il existe une très grande disparité entre les centres d’état civil. Certains centres d’état civil ne disposent d’archives que depuis très récemment.

Certaines personnes se trouvent dans l’impossibilité d’obtenir des copies récentes de leurs actes de naissance et sont contraintes de solliciter un nouvel acte de naissance.

Mais si elles sont majeures et souhaitent revendiquer la nationalité française pour être né de parent français, elles risquent de ne pas voir leur démarche aboutir.

En effet, en matière de nationalité française, la filiation n’a d’effet sur la nationalité que si elle est établie avant la majorité.

A ces problèmes d’archivages s’ajoutent des difficultés liées à des ruptures d’approvisionnement de registres qui font qu’il y a des années où il n’y a pas de registres.

Par ailleurs le manque de professionnalisme des officiers d’état civil les conduits à dresser des actes d’état civil sans veiller à porter toutes les mentions.

Ainsi, il arrive fréquemment de voir des actes de naissance sur lesquels ni l’heure de naissance, ni l’heure d’enregistrement de l’acte, ni le domicile ou la profession des parents ne sont renseignés. Ces mentions sont pourtant obligatoires.

En outre, il existe souvent des erreurs d’orthographe sur les noms et prénoms entre deux copies d’un même acte. Ces petites erreurs anodines qui relèvent plus de la négligence que de la fraude peuvent avoir des graves conséquences en matière de nationalité.

Les actes d’état civil sont essentiels dans la vie des citoyens. Ils établissent leur identité. Pour les centaines de milliers de familles comoriennes vivant en France, les problèmes liés à l’état civil comorien est un vrai cauchemar.

Saïd Hassane SAÏD MOHAMED
Docteur en droit
Avocat au Barreau de Paris et au Barreau de Moroni

Avec le concours de Zaid OMAR
Avocat au Barreau de Moroni

publié sur la page de haya FM: https://www.facebook.com/haybafm/posts/2716528021922700?comment_id=2716595578582611

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